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18/03/2015

Tapage de la semaine : le livre sur Patrick Buisson

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C'est l'occasion de décaper plusieurs idées : 


 

 

Le mauvais génie (Fayard) est l'oeuvre de deux journalistes du Monde, Ariane Chemin et Vanessa Schneider. L'une avait déjà publié La déprime des politiques. L'autre était l'auteur de : La Promo Sciences Po 1986, La femme fatale (Ségolène Royal), La nuit du Fouquet's et Les Strauss-Kahn... On voit que les préoccupations des journalistes ne sont pas celles du citoyen ordinaire.

Depuis l'abdication des gouvernements entre les mains de la finance à la fin du siècle dernier, le jeu politique officiel est un théâtre d'ombres ; personne n'y croit plus.

Le règne de Nicolas Sarkozy fut ce théâtre d'ombres.

On voit ça dans le chapitre que les deux journalistes consacrent à une certaine réception du 13 mars 2011, dans la salle des fêtes de l'Elysée. Ce jour-là, Sarkozy remet la Légion d'honneur à un prélat romain de nationalité française*... Ariane Chemin et Vanessa Schneider présentent la cérémonie comme une sorte de happening fellinien : Patrick Buisson faisant défiler devant le prélat  des invités qui « rêvaient » de rencontrer Mgr Thévenin, « dont l'influence est forte au Saint-Siège » ! Affirmation ultramontaine un peu surréaliste, quand on sait le chaos qui régnait alors à la Curie... (d'ailleurs par la faute de prélats conservateurs étrangement acharnés, avec leur réseau de journalistes, à saboter les dernières années du pontificat Ratzinger). 

Ce surréalisme se retrouve dans la scène que décrit le livre. Autour de Sarkozy, les deux journalistes peignent un rassemblement  de laïcs libéraux-conservateurs : ceux qui accouplent la défense-des-valeurs et l'économie néolibérale ! Alliage impensable. Mais pilier du sarkozysme ; et pilier factice, comme on le vérifiera le 15 mai 2012. 

Pourquoi « factice » ? Parce qu'il est artificiel de confondre le catholicisme** avec une « défense des valeurs » (contrairement à ce que croient les libéraux-conservateurs). Et à supposer même que des « valeurs » puissent être « défendues » sur le théâtre d'ombres politique, faire confiance à M. Sarkozy était étrangement niais.

Revenons au livre. Commentant le phénomène Buisson sous Sarkozy, Le Monde (28/03) affirme  qu'en ce temps-là, « un inframonde politique, réactionnaire ou ultra-catholique, a retrouvé le chemin du pouvoir. » C'est vide de sens. En effet : 1. il n'y avait aucun « pouvoir » à la clé ; 2. des gens qui disent « je crois en la main invisible du marché »*** ne sont pas des « réactionnaires » ; 3. un « ultra-catholique » est autre chose qu'un catholique.

Un ultra-catholique diffère d'un catholique en ceci : il est allergique, a) à la nouvelle évangélisation, b) à la théologie des structures de péché et aux positions économiques et écologiques de l'Eglise, c) au pape François.

L'Eglise catholique ne demandait rien à Nicolas Sarkozy. Méga-bourde, son discours du Latran de décembre 2007 fit tort à l'Eglise de France en donnant l'impression qu'elle cherchait à dominer la culture d'Etat tout en s'alliant au néolibéralisme : ce qui était deux fois le contraire de la réalité ! Ainsi fut semé le prétexte d'une cathophobie qui allait fleurir cinq ans après.

Non, l'Eglise n'avait rien demandé à M. Sarkozy. 

Non, les « ultra-catholiques » ne représentaient (ne représentent toujours pas) l'Eglise. 

Non, les catholiques croyants ne croient pas que le catholicisme consiste à voter pour un Parti de l'Ordre.

Alors pourquoi une partie des catholiques français continuent-ils à courir derrière le mythe d'un Parti de l'Ordre, et d'un « bon gouvernement » qui imposerait la Morale ?

Parce qu'une partie des catholiques français continuent à réduire le catholicisme à une morale, et sans comprendre que cette morale elle-même est aujourd'hui le parfum d'un vase vide ; un parfum qui disparaît. Votez pour qui vous voudrez, ce n'est pas ça qui fera renaître la foi chrétienne. Vous croyez qu'il y a d'autres urgences que de faire renaître la foi chrétienne ? Vous croyez que ces urgences sont « politiques », bien que cette politique-là tourne le dos à ce que propose l'Eglise en économie ? Alors relisez les discours du pape François depuis deux ans...

Je reproduisais dans la note précédente un point de méditation du mensuel Parole et prière : « L'ivraie qui pousse dans la bonne terre choque avant tout. Mais pourquoi ne pas observer le bon grain qui lève ? Il témoigne d'une beauté incomparable : l'intime présence de Dieu dans notre histoire. Le Christ continue aujourd'hui à se faire chair ; Il continue à se rendre présent aux hommes. Prenons le temps de Le percevoir et de L'en remercier ! »

Percevoir que le Christ continue à se faire chair et à se rendre présent aux hommes, c'est nous rendre nous-même « présents aux hommes », à la fois dans le mystère de la solidarité spirituelle (le témoignage évangélique, qui n'est pas le prosélytisme) et dans les initiatives de la solidarité sociale, c'est-à-dire les luttes de dignité et de justice – comme le pape François le disait le 28 octobre aux mouvements populaires ! [ fenêtre RECHERCHER, taper Mouvements populaires ]. Ce langage du pape se déploie dans l'univers de la réalité : c'est l'autre nom de la vérité, disait Chesterton dans L'homme à la clef d'or

  

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* Mgr Nicolas Thévenin, qui sera nommé nonce au Guatémala deux mois avant l'élection du pape François. 

** Le catholicisme n'est autre que le christianisme, qui n'est pas une « défense de valeurs » mais une marche en avant à la suite de la personne du Christ.  

*** Emmanuelle Mignon, alors ombre religieuse de Sarkozy (Le Monde 7/09/2004)... Cette Mère de l'Eglise était à l'époque chargée de la concurrence à Bercy, avant de rédiger le projet de l'UMP pour 2007. Après son départ de l'Elysée (2009), elle allait diriger la holding du "cinéaste" Luc Besson, puis devenir secrétaire générale de son groupe de production. Depuis 2012 elle est de retour au Conseil d'Etat ; la haute fonction publique est propice à la pensée ultralibérale.

 

Commentaires

LIBÉRALE

> Si Patrick Buisson, réputé n'aller à l'église que pour les enterrements, a promu un "populisme chrétien" (la formule est de lui) auprès de Nicolas Sarkozy, l'ombre religieuse d'Emmanuelle Mignon me semble exagérée. Cette dernière est catholique, mais n'a jamais caché sa priorité de promouvoir le libéralisme (qui la conduisait à regarder les sectes comme un "non-problème"), non une vision religieuse identitaire.

Bougainville


[ PP à B. :
- EM a joué un rôle non négligeable dans la funeste opération Latran.
- J'ai assisté naguère à un effarant dîner-débat catho versaillais pour jeunes des grandes écoles de commerce, au cours duquel elle a "délivré un enseignement". Pétrifiant.]

réponse au commentaire

Écrit par : Bougainville / | 18/03/2015

DROLE DE SUPRISE

> Je me rappelle encore la drôle de surprise que j'ai eu, il y a quelques années, en voyant un exemplaire de "La République, les religions, l'espérance" de N. Sarkozy dans une bibliothèque diocésaine, à proximité d'ouvrages consacrés notamment à Maître Eckhart, cela faisait un décalage bizarre. Et dans les années 2010-11 environs, l'Eglise, plus précisément le clergé, était tournée en ridicule par des universitaires à cause de la tartufferie sarkozienne. Elle a donc bien un effet.
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Écrit par : Aurélien Million / | 18/03/2015

MIGNON & C°

- D'accord pour l'opération Latran. Mais elle n'a guère fait plus, de ce que j'en sais.
- J'ai moi-même assisté à une université d'été pour jeunes cathos, où EM fut une des invités d'honneur délivrant un enseignement. Pétrifiant, mais surtout comique, car EM venait moins en catho engagée, elle-même confessant ses doutes et ses distances par rapport à l'enseignement de l'Eglise (notamment moral), qu'en porte-parole du programme libéral qu'elle souhaitait pour la droite.

Bougainville

[ PP à B. :
- Ce genre de confusionnisme fait un effet désastreux sur le plan de l'évangélisation.
- Mais la lucidité progresse ! à la faveur :
a) de la contre-performance Sarko 2,
b) de l'éclosion de phénomènes jeunes comme les Veilleurs - au moins pour ceux d'entre eux qui ont refusé de se laisser avoir par le sarkozysme). ]

réponse au commentaire

Écrit par : Bougainville / | 18/03/2015

DANY ROBERT-DUFOUR

> pour les liens organiques entre libéralisme et libertarisme, ou les deux faces de Janus de la déshumanisation de l'homme, il y a d'excellents ouvrages de Dany-Robert Dufour, qui décrit notamment Sade comme un précurseur magnifique du travail à la chaîne.
De quoi ouvrir peut-être quelques yeux et dire enfin NON à l'extension du marché par l'assouvissement de tous les désirs ?
http://www.amazon.fr/Dany-Robert-Dufour/e/B004N2PNGM
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Écrit par : perlapin / | 18/03/2015

INEPTIES

> Je ne sais pas comment vous faites pour lire ces inepties sans avoir l'invincible impression de perdre un temps précieux... Félicitations pour tant d'abnégation.
A titre personnel, je ne pourrais pas (une bonne anthologie des pensées de Franck Ribéry à la rigueur ?)...
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Écrit par : Fernand Naudin / | 18/03/2015

FLEURS

> A vous lire me revient une formule de Fabrice Hadjadj : les "valeurs" du christianisme (en particulier ses idées laïcisées, devenues folles) sont comme des fleurs coupées. Elles se maintiennent peu de temps dans leur vase, et finissent inéluctablement par se faner et pourrir.
Si l'on veut les fleurs, qu'on identifie à tort aux "valeurs", il faut la sève de la foi, les racines de la parole, et le soleil de l'Esprit, et pas autre chose !
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Écrit par : Olaf / | 18/03/2015

SE RENDRE COMPTE

> La période sarkozienne est la dernière où des catholiques aient exercé quelque influence dans les structures de pouvoir. Avec, rappelons-le, même un prêtre (le P. Petitclerc) en cabinet ministériel !
J'ai l'impression que beaucoup de catholiques français - qui ont baigné dans le "truc" depuis leur plus tendre enfance, souvent en circuit fermé- ne se rendent pas compte à quel point cette période a été catastrophique pour l'image de l'action des chrétiens dans la Cité.
Des gens qui pensent sincèrement que tout ce qui fait le catholicisme (y compris l'anthropologie chrétienne) "tombe sous le sens", peuvent difficilement comprendre les effets délétères d'une identification, dans le grand public, de la foi catholique aux intérêts des milieux dirigeants, politiques et économiques.
Je crois que, dans le Catholand, on est peu ou prou marqué par le "modèle Clovis" : le Prince se convertit, l'entourage suit et, de proche en proche, c'est le Royaume entier qui devient chrétien, jusque dans ses coins les plus reculés.
Certains ont pu voir en M. Sarkozy un nouveau Bonaparte, d'autres...un nouveau Clovis ?
Heu, je crois que là, ça ne marche plus comme ça.
Je traverse actuellement une ...comment dire... crise de foi, et je porte de plus en plus sur l'Eglise et les chrétiens un regard extérieur. Oui, un regard extérieur, après deux bonnes décennies de catholicisme "bien droit dans ses bottes". Bref... je me rends compte que l'urgence pour un chrétien est d'abord de témoigner, de porter Jésus à ceux-là même qui n'attendent plus rien de lui, voire à ceux pour qui tout ce que l'Eglise porte en elle est absurdité, absurdité criminelle. Tout ce que je ne me sens plus capable de faire.
Et pas nécessairement de prendre les manettes... pour restaurer une "chrétienté "hypothétique.
A ceux qui considèrent qu'il faut porter les fameux "PNN" en étendard, en comptant sur une prise de conscience de nos contemporains, qui retrouveraient miraculeusement leur "identité chrétienne " perdue, je pose la question : pour les gens "normaux", entre l'homme qui pense sincèrement qu'un porcelet sain a infiniment plus de valeur qu'un bébé humain malformé, et celui qui professe qu'on peut faire entrer un dieu dans un bout de pain, qui est le plus con des deux ?
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Écrit par : Feld / | 19/03/2015

VISCÉRAL

> D'accord avec votre post Patrice comme souvent.
Par contre votre dernière remarque dans votre réponse à perlapin m'a donné l'idée de retourner visiter le site de SC.
L'honnêteté m'exige de reconnaitre qu'ils ont bien enrichi et amélioré leur charte.
Quel peut être leur degré d'influence c'est vraiment la question que je me pose.
Sinon sur la psychologie de l'ultra-catho, ne sous-estimez pas la peur viscérale du rose et du rouge (l'amalgame est fait) qui se transmet de génération en génération. La réflexion politique s'arrête au rejet brut, pur et simple de ces partis.
Et si la vision d'une similitude entre l'UMP et le PS dans bien des domaines aurait pu émerger, elle a été tuée dans l’œuf par l'affaire du mariage pour tous, lequel a remis chez eux les pendules à l'heure du bon vieux temps.

JClaude


[ PP à JClaude

- J'en suis conscient ! Il y a dans ce milieu un refus d'ouvrir les yeux sur le monde réel, et un ancrage consternant dans une mythologie qui commençait déjà à dater du temps de papa.
- Sur SC : de cela aussi je suis conscient, je l'ai vu par contact personnel. Mais ceux qui réfléchissent divergeront (inéluctablement) d'avec ceux qui croient que l'UMP va leur faire une carrière... ]

réponse au commentaire

Écrit par : JClaude / | 19/03/2015

@ Feld

> Ta "crise de foi", cher Feld est peut-être davantage la manifestation d'une foi plus profonde, plus adulte ?
Ce n'est pas de "l'Eglise" qu'il faut prendre distance, mais bien de tous les oripeaux claniques, tribaux et du salmigondis socio-culturel en partie néo-païen et nombriliste qui l'alourdissent et la défigurent aux yeux du plus grand nombre.
Pas plus que nous pouvons décider de désormais nous passer d'oxygène, nous ne pouvons nous séparer de l'Eglise, réalité mystérieuse dépassant l'Eglise visible, mais cordon ombilical spirituel.
Cela dit, vont étroitement main dans la main un amour profond de l'Eglise, sunaturel, inspiré par la grâce, et une dénonciation claire et sans ambiguïtés des comportements indignes de tous ceux qui se la sont appropriée pour en faire un étendard de leurs préjugés, de leur narcissisme, de leurs petites ambitions mesquines, de leur désamour et finalement de leur bêtise, et la complicité de ceux qui préférant se taire (y-compris certains ministres ordonnés), s'en rendent complice, comme Ponce Pilate qui - au fond - était peut-être un brave type. Et cette dénonciation - dans chaque situation où elle s'impose - est elle-même porteuse d'évangélisation auprès de beaucoup de personnes de bonnes volonté, écœurées, qui ont quitté sur la pointe des pieds ou en claquant la porte, paroisse, associations ou écoles "cathos", elle en est la condition sine qua non.
Je sais bien que certaines belle âmes me répondront que je suis orgueilleux parce que "je juge". Mais non, certes on ne peut pas juger notre prochain, même le plus "affreux", c'est le travail de Dieu, pas le nôtre.
Mais un amour en vérité implique aussi de dire dans certaines circonstances, que tel ou tel comportement est gravement contraire à la charité et constitue un contre-témoignage maintenant durablement hors du bercail "les 99 brebis" qui l'ont quitté.
C'est ce que fait le Saint-Père, avec des mots souvent très percutants. Il libère la parole, et nous invite à faire de même. Bien évidemment, paisiblement, avec discernement et charité, dans la prière, mais non moins résolument. Et cela signifiera parfois briser une certaine 'omerta' ou égratigner au passage notre bonne conscience de catholiques auto-satisfaits et auto-référencés.
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Écrit par : jwarren / | 19/03/2015

L'AMOUR DU CHRIST

> Merci, M. de Plunkett, pour votre analyse. Faisons pénitence et puisons notre force dans la prière ... alors nous pourrons montrer l'amour du Christ à nos contemporains au lieu de leur faire de la morale (enfin).
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Écrit par : Lauren Butler Bergier / | 19/03/2015

VALEURS

> Il fut un temps ou, à la maison, nous aimions bien dire en paraphrasant un personnage sinistre, "Quand j'entends le mot valeur je sors mon revolver", ce qui est ce qui est largement pensé et fait sur ce blog dans vos notes et les commentaires.
Toutefois le mot est devenu tellement banal, signifiant à la fois des repères moraux, des buts de vie ou des choix esthétiques et tout le monde l'utilise. On l'entend souvent dans le bouche d'évêques et, il me semble bien que les derniers papes, François compris, eux même l'ont employé. Alors....
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Écrit par : Pierre Huet / | 20/03/2015

"LA VALEUR" ET "LES VALEURS"

"La valeur n'attend point le nombre des années" (Le Cid, II, 2), d'ailleurs...
Ou encore :
"cette intonation-là, du moins, avait une valeur vraiment intelligible et aurait dû par là satisfaire à mon désir de trouver des raisons irréfutables d'admirer la Berma." (Proust, Les jeunes filles en fleurs, 1918, p. 567)
Tout de même, le terme "valeurs" substitué à "vertus", ou dangereusement associé à "civilisation" (civilisation européenne, française, catholique, libérale, laïque, etc.), n'a rien d'évident.
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Écrit par : Blaise / | 21/03/2015

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